samedi 7 avril 2018

Croc-Blanc



2018
Alexandre Espigares
Avec : Virginie Efira, Dominique Pinon, Raphaël Personnaz

Croc-Blanc est un film d'animation français qui suit assez fidèlement le roman de Jack London. L'histoire est celle d'un chien semi-sauvage, qui deviendra chien de traineau au sein d'une famille de gentils indiens, puis chien de combat parmi de méchants hommes blancs, puis toutou domestique d'une famille de gentils blancs avant de retrouver une liberté bien méritée au sein des immenses forêts du Yukon.
Le film est donc destiné à un public jeune, bien que le ton en soit relativement dur. Et le film n'est pas seulement dur pour les enfants à cause des coups du sort et de la violence qui s'abattent sur ce pauvre canidé. Il est dur parce que Croc-Blanc n'a pas de side-kick marrant qui fait le con dans la neige à ses côtés. Il n'y a pas non plus d'armée de Minions Crétins pour faire des prouts au fond du canoë. Le Marshall ne passe pas son temps à faire des vannes à double sens pour distraire les parents qui ont accompagné leur progéniture dans les salles obscures. Les animaux ne parlent pas dans ce film, ils geignent, glapissent grognent et mordent comme des vrais chiens, tout en ayant dans le regard un fond d'humanité suffisant pour permettre l'identification. Alors c'est vrai que les enfants sont déconcertés, surtout que le réalisateur Alexandre Espigares se permet un montage non linéaire, ose faire un film pour enfants sans chanson idiote et met à la place de la vraie musique avec des chtouingues de guitare qui vont bien, le tout dans une histoire à prendre au premier degré du début à la fin. 
Pire, on ne retrouve pas une animation 3D toute lisse et moche avec des personnages verts, rouges, bleus à gros yeux! Il y a des textures, des beaux paysages, des aplats. Alors bien sûr, c'est parfois maladroit, anguleux, raté. Les humains en particulier ont souvent des mouvements assez peu naturels malgré le motion capture. Les traits taillés à la serpe passent assez bien pour les visages burinés, ceux des indiens et des méchants. Mais pour le gentil couple moderne ça fait assez bizarre. Malgré tout, ça fait tellement du bien après 20 ans de graphismes inter-changeables des Pixar/Minions/Age de Glace/Shrek qu'on en redemanderait presque.
Je regrette cependant une histoire totalement lisse. Alexandre Espigares ne prend pas les enfants pour des idiots, mais il succombe malgré tout au happy end de rigueur, au manichéisme exacerbé de ce type d'histoire. Le méchant, interprété par Dominique Pinon est très très méchant. On aurait aimé voir sa part d'humainité, voir qu'il était lui aussi capable d'aimer son chien. Le Marshall est bien sûr honnête droit et sans faille (doublé par Raphaël Personnaz, j'aurais juré pendant la projection que c'était Tcheky Karyo qui s'y collait!) et sa femme (Virginie Efira) est naturellement moderne, pragmatique et indépendante (mais au moins, elle ne chante pas). Si j'en crois Allocine, Alexandre Espigares cite Le Grand Silence et le Django de Sergio Corbucci parmi ses sources d'inspiration. J'ai bien du mal à voir le lien, sauf quand on retrouve le regard de Franco Nero dans celui de Croc-Blanc juste avant ses combats, sauf quand on sent poindre la mélancolie et le poids du destin quand il regarde la lune. Croc-Blanc a en effet la force et la résignation des pistoleros taciturnes, les personnages ont tous des gueules typées, ravagées par le temps et la vie. Le film porte une attention extrême aux détails, à la neige qui tombe des branches, aux mouvements des chiens, aux mille dangers de la nature, aux vêtements et aux détails architecturaux, avec une belle reconstitution d'une ville d'Alaska gagnée par la fièvre de l'or. Et c'est là que moi, ça m'a plu.
Bref, c'est réaliste, bien foutu, beau, et pas trop gnangnan quand même. Si vous êtes devenus allergiques au style Pixar et à l'avalanche de gags obligatoires de ce type de production, emmenez vos enfants voir Croc-Blanc. Et puisque Alexandre Espigares cite Corbucci, je vais lui faire plaisir et classer ça dans 'Western Européen'.


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