vendredi 16 juillet 2010

Sand

Sand
1920
Lambert Hillyer
Avec : William S. Hart, Mary Thurman


En 1917, William S. Hart tournait The Narrow Trail pour la Artcraft. Se défiant désormais de son mentor Thomas H. Ince, il avait réussi enfin à obtenir un salaire cohérent avec son statut de star mais continuait malgré tout à travailler sous la (maigre semble-t-il) supervision de Ince. Suite à une dispute avec celui-ci à propos de son cheval Fritz, William S. Hart décida que sa monture (un cheval Pinto assez fougueux) n’apparaîtrait plus à l’écran. Il faut savoir que, comme le cheval de Tom Mix ou celui de Fred Thomson, Fritz était une star à part entière que le public était ravi de retrouver de film en film. Il convient de noter que dans le cas de Fritz, cet engouement était assez curieux, puisque bien que Hart fut très attaché à son cheval dans la vie réelle, il ne mettait jamais en avant Fritz en tant que cheval d’action dans ses films (peu de cavalcades effrénées, pas de trucs de cheval savant) mais plutôt en tant que confident des tourments de son maître.
Quoi qu’il en soit, Fritz disparut des écrans dans les quinze ou seize films suivants de Hart. En 1919, Hart était fatigué de jouer les « Two gun Man » dans des shoot’em up de plus en plus répétitifs. Désireux de ficeler des westerns plus sensibles, plus subtils et plus humanistes, Hart refusa de s’associer avec la toute jeune United Artist fondée cette même année par Charlie Chaplin, Mary Pickford, Douglas Fairbanks et D.W. Griffith pour s’engager avec la Paramount où il aurait, pensait-il, les mains libres.

Sand fut le premier film tourné par Hart sous la bannière Paramount. Il y joue un employé de chemin de fer amoureux et l’action se fait rare, laissant une plus large place aux sentiments. Les confrontations violentes sont avant tout verbales. Sand marque également le grand retour de Fritz à l’écran, et ce retour est intégré comme élément de scénario, le héros retrouvant dans le même temps les deux choses les plus importantes dans sa vie : celle qu’il aime (jouée par Mary Thurman) et son cheval adoré. Cet attachement hors norme pour son cheval donne lieu à un quiproquo semi-tragique car sa belle est persuadée qu’une femme occupe le cœur de son prétendant plutôt qu’un cheval, tandis que la substance héroïque du film est basée sur une histoire d’attaques de trains dont le chef est un rival du héros.

Adolph Zukor de la Paramount ne fut pas satisfait du changement de style que Sand opérait sur la filmographie de l’acteur et Sand fut remisé aux oubliettes. Il savait que le public attendait de l’action et des coups de feu, et Hart dut produire The Toll Gate dans lequel il joue un good bad-guy plus en accord avec ses habitudes (mais on note ironiquement que le héros de The Toll Gate cherche à faire « un dernier coup avant de se ranger », un peu à l’image des ambitions de l’acteur). The Toll Gate fut un succès, et la Paramount sortit Sand des tiroirs, força l’acteur à refaire la dernière bobine pour augmenter la dose d’action. Et en effet, la fin du film apparaît en décalage avec le reste de l’intrigue, Hart faisant nager son cheval, tenant en joue un ensemble de bandits en pleine attaque de train, tuant deux récalcitrants et démasquant son rival à la tête du gang, comme dans un mauvais roman feuilleton.
Sand est alors un film bancal, marquant le début de la fin pour William S. Hart, qui sera jusqu’à la fin contraint de composer entre les constantes de sa popularité pourtant déclinante et son désir d’offrir des films plus mûrs, mieux construits et de casser sa propre image. Cette ambivalence produira des films réussis (White Oak, Three Word Brand) mais moins digestes que ses premiers films, et ce jusqu’à son ultime baroud d’honneur : Tumbleweeds.


Sources :
- My life East and West, autobiographie de William S. Hart.
- Introduction du livre The Complete Films of William S. Hart (basée en grande partie sur l’autobiographie)
- Notes du DVD Unknown Video par Christopher Snowden

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