lundi 9 juillet 2007

Matalo!


Attention, petit chef d’oeuvre?


Matalo
1970
Cesare Canevari

Avec: Lou Castel


C’est la violence, c’est le sadisme, c’est la cupidité, c’est la nature humaine.

Matalo commence assez mal sans pour autant être catastrophique. On sent tout de suite qu’il y a quelque chose, une ambiance, un style, avec ces enfants qui jouent à saute-mouton, et ce plan flou sur le bandit qui approche de la potence. Mais on note également la volonté de « faire moderne » : musique psychédélique, héros désinvolte très 70’s, bruitages étranges, vêtements hippie en laine du Tibet, inserts, coupes à la diable. Tout ça n’est pas vraiment désagréable en soit, ça rappelle un peu Les Quatre de l’Apocalypse que j’affectionne particulièrement, mais on rigole quand même un peu quand on voit apparaître une carte des Etats-Unis ou une pauvre pancarte indiquant le Colorado, histoire de dire "ha oui au fait, c'est un western!". Face à ce flagrant manque d’authenticité, on sait déjà que l’on n’est pas en présence d’un grand film.

Et pourtant !

Après le massacre ahurissant d’une bonne dizaine de mexicains, le véritable héros du film apparaît : la ville fantôme. Le trio de bandits initial s’y installe, bientôt rejoint par une femme, bien évidemment belle et libre, puis l’un d’eux meurt dans une attaque de diligence. Les trois survivants restent dans la ville fantôme, la tension monte, les convoitises envers l’or et la femme s’exacerbent. Un mystérieux rôdeur dont on ne voit que la winchester à chaque fois fait planer une lourde menace. Bientôt, d’autres personnages apparaissent, dont une vieille dame terrée dans sa maison et ses souvenirs, et Lou Castel et ses boomerangs.

Et là le film commence vraiment, baroque, démesuré. Le western américain présente toujours un héros solitaire qui tente de s’intégrer à la société. Le western italien présente en général un héros solitaire qui ne cherche pas à s’intégrer à la société. Matalo ne montre pas de héros solitaire, mais il montre une société totalement désintégrée, où la cohabitation pacifique est impossible. L’anarchie règne, et le bel idéal libertaire que l’on peut trouver dans Companeros ou Mon Nom est Personne n’a pour conséquence ici que de conduire à la mort, la trahison et la torture gratuite.

Je n’aime pas la torture au cinéma, pas plus que dans la vie. J’abhorre la scène de l’oreille dans Reservoir Dog, et si j’affectionne Les Quatre de l’apocalypse ce n’est sûrement pas grâce à sa fameuse scène où un pauvre bougre se fait peler le torse. Et si les passages à tabac obligatoires dans tous les spagh passent assez bien dans ma petite tête, c’est parce que les durs à cuire qui les subissent s’en remettent bien et qu’ils tuent tout le monde pour faire bonne mesure. Mais dans Matalo, la torture est différente. Elle est autant morale que physique, et la longue humiliation de la vieille dame semble aussi terrible que ce long supplice que va subir notre pauvre Lou Castel. Ces moments de tension très forte sont d’autant plus crispants que nous sommes devant un film où il est impossible de prévoir ce qui va se passer au plan suivant, tout semble possible. La narration classique n’a pas lieu ici, bien que l’histoire soit très cohérente. La musique très efficace, et la bande son composée de sons de voix et de bruitages incongrus électrisent l’atmosphère, la méchanceté de la femme surprend et la passivité du rôdeur que l’on imagine droit et juste énerve ! Qu’est ce qu’il attend pour venir sortir Lou Castel de là crédieu ! Ce Lou Castel, parfait en martyr, sera ironiquement sauvé de la mort par son cheval, comme dans les bons vieux serials des années 50. Quand la violence n’a pas lieu, il y a de longs moments d’attente fiévreuse et nerveuse, des tics et des gros plans sur les trognes de ces êtres livrés à eux-mêmes, des détournements d’objet (ce pichet dans lequel tout le monde boit alors qu’il est destiné à remplir un lavabo), des bruitages incessants (l’eau qui coule de la fontaine), des plans étranges aux limites du subliminal, et cette ville magnifique, délavée et sale, jonchée de tonneaux vides, de tissus noirâtres flottant au vent et autres matériaux disparates, autours de points d’orgue que sont la balançoire et la fontaine. On aime ou on n’aime pas, mais c’est relativement bien foutu.

Alors pourquoi ne serait-ce pas un petit chef d’œuvre ? Parce qu’il y a ce début un peu bancal décrit plus haut en premier lieu, et parce que le final sombre malheureusement dans le ridicule. Passe encore que Lou Castel se débarrasse d’un type avec des boomerangs, après tout c’est un western spaghetti que l’on regarde. Mais la fusillade incohérente avec le bandit hippie qui court après une mule au milieu des tirs casse toute la sale ambiance savamment accumulée jusqu’ici. Sa mort le sang dans la bouche tente bien de rectifier le tir, mais le mal est fait. Reste ce long plan qui survole tous les morts de cette petite tragédie humaine, et le souvenir de ce grand moment de western all’italiana qui dépeint la vie lente et sordide d’un trio de bandits dans une ville fantôme en pleine décrépitude.


Où le voir ?

Il circule parmi les fans. Copie très moyenne en anglais. Messieurs les éditeurs français, à vous de jouer, en voilà un que je rachèterai si une bonne copie est mise en circulation en DVD

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