jeudi 5 juillet 2007

Compañeros



1970
Vamos a matar…compañeros
Sergio Corbucci

Avec: Tomas Milian, Franco Nero


C’est la révolution au Mexique, c’est donc le moment rêvé pour piller les coffres, changer de camp tous les dix minutes, aller libérer des prisonniers politiques, jouer de la mitrailleuse, et accessoirement, réveiller les idéaux politiques qui sommeillent en chacun de nous.
Comme une mise en image, la scène initiale décline de façon humoristique la longue diatribe du paysan Juan dans Il était une fois la révolution. Vasco est en train de lustrer les chaussures d’un général quelconque, à grand renfort de salive. Sur un coup de folie il éventre le général comme on ouvre un avis d’imposition, au moment même ou un autre généralissime quelconque entre en action pour prendre d’assaut la ville. Une fois les hommes du premier général exterminés, Vasco se retrouve à cirer les pompes du général vainqueur, comme si rien n’avait changé. Les révolutions passent, et les peons restent ceux qui se font exploiter, ceux qui n’ont rien.

Mais si Corbucci glisse quelques petites allusions politiques par ci par là, on constate vite que là n’est pas l’essentiel du propos ! Le cœur du film se situe dans le mouvement, pas un mouvement effréné et continu comme on a pu le voir de façon fatigante dans certaines productions françaises récentes comme Bon voyage par exemple, mais un mouvement régulier et cyclique, selon un rythme action/détente, action/détente qui fonctionne à merveille. Et de détentes, le film ne manque pas. Cette fluidité dans l’action, cette mobilité permanente des personnages participent de l’élaboration d’un sentiment diffus qui se loge entre nos synapses à chaque vision de ces spagh mi-comiques mi-film d’action pure, comme une clameur d’euphorie anarchisante.

Figurez vous un univers – je veux parler de l’univers de Aujourd’hui ma peau, demain la tienne, de l’univers de Sabata, de l’univers de Un pistolet pour Ringo comme de l’univers de ce Compañeros, un univers où rien, au fond, n’a vraiment d’importance tant qu’on a de la bonne humeur, un peu de dynamite ou une mitrailleuse à portée de main. L’issue des confrontations n’est même pas inscrite dans un questionnement préalable sur le vainqueur potentiel, le rapport de force n’est aucunement un paramètre de l’équation. Ce n’est pas que la possibilité de voir éventuellement nos héros se faire descendre est éludée, c’est tout simplement que le risque 0 existe bel et bien pour les héros de ces univers là. Peu importe que les soldats soient cent cinquante en face, on en vient à bout, peu importe que l’on soit seul, armé d’une machette, au milieu d’une armée frénétique, on survit toujours. Dans ces conditions, nos héros peuvent se lâcher tout à fait et faire l’impasse totale sur un certain lyrisme de la mort violente à la Horde Sauvage, point de ralenti, point de regards chargés de fureur dévastatrice, point de sacrifice. Non, les deux héros de Compañeros, Pingouin et Vasco, sont là pour s’amuser et pour nous amuser. Intouchables, très forts en gunfight, ils représentent une incarnation à peine retouchée des héros de cour de récréation.

Outre cette faculté surnaturelle de venir à bout d’armées entières tout en ayant l’air de s’amuser comme des petits fous, nos héros ont un autre atout dans leur manche. Ils ont le pouvoir de se déplacer rapidement et sans effort. Qu’on se rende bien compte : alors que le général Mongo est limite bloqué à San Bernardino, Pingouin et Vasco voyagent comme bon leur semble. Trouver des chevaux n’est jamais un problème, voler un train est un jeu d’enfant, et si par mégarde on a oublié de prendre le wagon en marche, il suffit de marcher. Marcher n’est nullement gênant dans la mesure où la rareté de l’eau n’affecte personne. L’espace dans cet univers est malléable à volonté, la durée de l’action n’a pas d’importance, quand on veut aller d’un endroit à un autre, il suffit d’y aller. Les méchants de service, menés par un Jack Palance hilarant, ne manquent bien sûr pas de profiter pleinement des propriétés spatio-temporelles offertes par le Mexique Corbuccien. Ils sont toujours derrières pendant les poursuites, mais on les retrouve toujours plus tard devant, sur le chemin des héros. Ils sont tout aussi insensibles aux affres du voyage, et tout aussi durs à cuire (ils résistent à l’écroulement d’un clocher, même John McClane n’y arrive pas !).

Certains pinailleurs tristes, empalés sur leur balai, rejetteront en bloc tout ce cinéma populaire à cause de ces grossières invraisemblances scénaristiques. Les défenseurs de ce film rétorqueront que ces invraisemblances sont des codes, qui permettent de poser des jalons types dans un univers structuré, laissant ainsi la place à un infra-texte révélateur (le fameux discours politique). Je dis moi, que ces invraisemblances participent de cette euphorie anarchisante propre à ce type de film. Ces héros là vivent l’aventure en s’amusant, ils ne sont soumis à aucune loi, puisque en cas de coup dur, ils s’en sortent toujours et peuvent aller d’un endroit à un autre sans s’occuper d’avoir à dormir ou manger. Cet état d’esprit de liberté totale traverse l’écran et imprègne le spectateur, l’intégrant dans cet univers sans risque où on se défoule à bon compte avec des copains. Cela marche pour Compañeros, cela marche pour Sabata et ses suites, cela marche pour Mon Nom est Personne. Suivre ce type de héros dans ce type d’univers, c’est un peu comme être en God mode dans Doom, un peu comme être Spiderman sans se prendre la tête avec des histoires de pouvoir et de responsabilité. C’est un peu comme être un gamin qui prend la vie du bon coté dans un monde d’adulte.

Pour se reposer de toutes ces aventures, il y a les moments de détentes, en général assez courts mais riches en vacheries verbales ou autre trahisons humoristiques. Si vous posez tout ça sur les épaules solides de ces deux stars du western spaghetti que sont Franco Nero et Tomas Millian et que vous enveloppez le tout dans une entraînante musique du sieur Ennio Morricone, vous comprenez vite pourquoi ce film est l’un des westerns spaghetti les plus apprécié des connaisseurs.


Le DVD Fravidis. Evidis y es tu ? Evidis t’y caches tu ? En tout cas, la qualité de l’image est correcte, et on a même un menu, contrairement à tous les autres Evidis. Par contre, comme l’a fait remarquer Breccio, il manque environ 15 minutes. Si vous voulez le film intégral, mais en anglais, procurez vous le DVD Anchor Bay.

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