lundi 9 juillet 2007

[HW] - 300


300
2007
Zach Snyder


Gros plan sur des cadavres enchevêtrés avec des mouches qui se traînent, des étendards brisés et sales font la pose, pendant qu’une mouette noire s’envole lourdement de la lance où elle s’était reposée. Les émissaires avancent lourdement sur leurs chevaux de guerre, les tuniques amples qui claquent au vent, les accessoires qui valdinguent de partout. De loin on dirait des tanks ! Les Perses sont innombrables - on ne remerciera jamais assez l’inventeur du copié/collé - hétéroclites, ils ont des rhinocéros de combat, ils ont des éléphants, ils ont des monstres genre mutants, des armes proches de celles des Ninjas – Frank Miller oblige – des masques hideux. Les Spartiates rigolent. La cape rouge devient noire de boue, les ongles des pieds sont savamment écornés, salis, calleux et boueux. Le casque de Leonidas est une œuvre d’art à elle seule, les fentes, les bouts manquants forment un réseau, les bouts de flèche enfichés dans le torse – même pas mal – tout ça c’est du Frank Miller pur jus, pur sauce à la viande hachée, coupée – chop chop – fendue. Je n’avais jamais eu le loisir d’admirer à quel endroit exactement se situe l’os éclaté de la colonne vertébrale quand on coupe une tête : c’est fait ! Le combat chez Frank Miller est toujours affaire de force brute, de résistance à la douleur, d’entraînement surhumain. Voyez donc le fracas de Batman contre le chef des mutants dans The Dark Knight Returns, observez l’art du combat d’Elektra dans Daredevil, regardez comment Marv encaisse les coups ! Leonidas et ses hommes c’est la même barbaque noueuse, pas vraiment des humains, juste des machines à tuer très très efficaces mais très très indépendantes. Dans Alamo les hommes sont de vrais hommes, qui expriment leurs doutes autour du bivouac. Les 300 spartiates ne doutent pas, ils rentrent dans le tas. Peu importe que leur action ait un sens ou non, que ce sens reprenne pompeusement le mot « liberté », le but serait de piller Rome qu’on irait avec la même fierté, la fleur à la lance, mort de rire à l’idée de se faire étriper par un gars qui en vaille, enfin, la peine.
On sait bien que Frank Miller n’est pas exactement un gauchiste qui s’encombre de politiquement correct. Le Joker tord le cou de son psychiatre verbeux, Batman pète des fémurs à tout va (« tu as des droits, des tas de droits, parfois je les compte et ça me rend malade » assène t-il à un malfrat), et le moins que l’on puisse dire c’est que Zach Snyder n’y va pas avec le dos de la cuiller. Les oracles corrompus et vicelards sont d’une laideur Millerienne, les traîtres ont des gueules torves de traître – mon dieu Gainsbourg qu’ont-ils fait de toi ? – les Perses sont percés de partout (je ne sais pas si c’est fait exprès mais c’est fort), en plus ils sont noirs tiens... Ils sont vraiment vraiment vraiment cruels – la scène de l’arbre est là et bien là pour montrer que a contrario les Spartiates sont des types violents mais avec un bon fond – les Perses maltraitent leurs esclaves et empalent leurs prisonniers, bref pas de doute, ce sont des méchants inhumains qu’il vaut mieux étriper d’abord et entasser ensuite. La rigueur Spartiate ne fait pas non plus dans la dentelle :un chouia de culte du corps –« j’ai tout mangé le chocolat », un zeste d’Eugénisme – on se débarrasse des malformés – une once d’homophobie –« si même les Athéniens, qui aiment les garçons, ont dit ‘non’, que dira t’on si nous Spartiates etc etc », un poil de discours anti-discrimination positive - « t’arrives pas à lever ton bouclier, avec la gueule que tu as, tu ferais mieux d’être traître ! », wahooo, avec une telle accumulation, on est forcé de considérer que tout ça n’est qu’archétype, une représentation du mal exacerbé avec tous ses attributs historiquement ancrés dans la mémoire collective (laideur, cruauté, traîtrise) face au bien interminable de terminatorité (la forcitude, la bravitude, la determinitude…). Parce que si on se dit que tout ça forme vraiment un discours, nous serions forcés alors d’admettre que le film est abject et répugnant, ce que nous ne voudrions pas faire tant nous avons passé un bon moment n’est ce pas ?
Car il faut le dire, on ne s’ennuie pas en regardant 300, un bon rythme, du spectacle, une forme somptueuse. Le pixel est le roi, chaque recoin de l’image est pensé, cadré, positionné, photoshopé. On peut trouver ça laid, on peut trouver ça magnifique. Evidemment le pixel est Roi au détriment de l’humain, c’est difficile de se passionner vraiment pour des machines à tuer. Ce ne sont pas les quelques mimiques de Leonidas, les piques verbales des deux soldats qui comparent leurs bravoures, le chagrin effroyable du père qui vont compenser. Cette inhumanité est cependant bien exploitée par la voix-off qui renforce le coté irréaliste de la chose, et qui à nouveau décrit si bien l’univers de Frank Miller. Les ralentis explosent les cases, certains se sont plaints de leur surabondance, c’est au contraire ce que j’ai préféré : ces combats hors du temps, le rhino qui s’affaisse, Leonidas, lentement, qui se relève face au monstre. On a pour une fois le temps de comprendre ce qui se passe là où trop souvent les réalisateurs optent pour un montage à la serpe pour rendre totalement illisibles les scènes d’action. Il n’y a donc pas de triche dans 300, la scène d’action n’est pas là pour faire remplissage, elle est le but précis, objet de toute l’attention du réalisateur, et en un sens c'est tant mieux. La scène d’action n’a plus pour seul but de divertir et de faire monter l’adrénaline, elle est court-métrage, elle est mini-œuvre scénarisée au sein de l’œuvre, avec une narration sans déchet, un début un milieu et une fin (dans cet ordre). Des scènes d’action totalement irréalistes et assumées comme telles. M’enfin, du cinéma, au service de la BD, un marriage parfaitement réussi!

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