mercredi 20 juin 2007

Les deux cavaliers


John Ford c’est chiant et c’est toujours pareil. Venez vérifier comment cette affirmation polémique est fausse.

John Ford
1961
Two Rode Together
Avec James Stewart, Richard Widmark, Shirley Jones

Le lieutenant Jim Gary (Richard Widmark) parvient à grand peine à convaincre le cynique shérif Guthrie McCabe (James Stewart) de l’accompagner en territoire indien. Le but : récupérer chez les Indiens comanches tous les prisonniers blancs qu'ils ont capturés au cours des dix dernières années. Il s’agit d’enfants enlevés très jeunes dont les parents n’ont pas encore perdu espoir de retrouver la trace. Mais Guthrie McCabe sait bien qu’un blanc élevé chez les indiens devient un indien à part entière.

A force, il faut bien se faire une raison, les westerns de Ford ne sont pas des westerns d’action. Le réalisateur est plus intéressé par ses personnages que par le spectacle, bien qu’il ne rechigne pas à faire bouger tout son beau monde de temps en temps. Une fois ce postulat intégré, on peut savourer Les Deux Cavaliers comme il se doit, sachant que coté coups de feu, c’est l’un des Ford les plus avare qu’il m’ait été donné de voir. Heureusement, le film a d’autres atouts dans ses manches.
En premier lieu, c’est un film de James Stewart. Ce n’est pas le James Stewart sombre et fragile de Anthony Mann, c’est un James Stewart de comédie en roue libre totale, qui fait un numéro de cabotinage à s’en écarquiller les yeux de stupeur tellement c’est sidérant. - Ceux qui me rétorqueront avec mépris condescendant que James Stewart a déjà fait ce genre de show dans tel ou tel classique des années 50 que je ne connais pas sont invités à laisser leur mépris de coté et à m’indiquer les titres en questions, merci. – Ce « Stewart show » explose lors d’un bivouac au bord de l’eau où Widmark et Stewart mènent de front deux discussions imbriquées à n’en plus finir ; et lors d’un échange confondant de négativité entre Stewart et le commandant de la garnison. Stewart joue donc un aventurier vieillissant, antipathique mais drôle. Bien sûr, la force des évènements va faire évoluer le personnage dans le bon sens, mais jusqu’au bout il gardera son coté décalé, égoïste mais sympa quand même. A coté de ça, Widmark est Widmark, mais il a bien du mal à exister à coté de la tornade Stewart.
En deuxième lieu, Les Deux Cavaliers est un film qui fait mentir – encore - la réputation de vieux con d’extrême droite du maître Ford, par la complexité de son scénario qui évite la représentation caricaturale des indiens et qui pointe du doigt les faiblesses des blancs. Car ce qui frappe avant tout, c’est le pessimisme de l’œuvre. Une fois de plus, les indiens sont montrés comme un peuple humain, déchiré par des contradictions internes, et divisé entre les vieux sages et les jeunes va-t-en guerre qui montrent leurs muscles. Les blancs ne sont pas épargnés non plus, par le biais de la vente d’armes aux indiens, du non respect des traités et leur propension à la violence. Tout le monde est plus au moins mauvais, et quand quelques uns sont bons, comme ces pionniers qui vivent de l’espoir de retrouver leur progéniture, leur naïveté fait pitié. Entre ce pessimisme et le personnage drôle mais cynique de Stewart, les scènes de pure comédie, à base de baston pour se disputer une femme, ont bien du mal à faire mouche.
En troisième lieu, la progression du film de la comédie noire - Stewart déchaîné - au drame humain poignant - le lynchage de l’indien blanc incapable d’être un « blanc »- , même si elle crée un film bancal le cul entre deux chaises, témoigne de la richesse d’un cinéaste qui ose tout et ne se prive pas de surprendre à la fois ses admirateurs et ses détracteurs. Alors, s’il est clair que Les Deux Cavaliers n’offre pas la force enthousiasmante de La Prisonnière du Désert ni la pureté westernienne de La Chevauchée Fantastique, on ne regrette pas de s’être laissé porté par le brillant James Stewart au milieu d’une peinture peu glorieuse de l’humanité. Et ce n’est pas la fin sous forme de happy end - seulement vaguement happy - qui changera la perception de l’Homme qu’offre Ford à votre intellect.
Et merci Arte !!

1 commentaire:

  1. Grâce à mon ami, fan de westerns, j'ai mis (presque à jour) mon niveau en cette matière. Les deux cavaliers font partie des films que j'ai appréciés, Widmark et Stewart sont très bien. Un film de Ford pas très connus mais qui vaut de l'être. Bonne après-midi.

    RépondreSupprimer