mercredi 6 juin 2007

Le cavalier du désert



Un excellent western classique un petit peu oublié.


The Westerner
1940
William Wyler
Avec Gary Cooper, Walter Brennan


Cole Hardin (Gary Cooper) ne ressemble pas vraiment à un voleur de chevaux. Pourtant c’est pour ce crime que le juge Roy Bean, le fameux juge qui proclamait sa loi à l’ouest du Pecos, veut le faire pendre illico presto tournicoti tournicota. Hardin s’en sort avec du culot et de l’humour, et devient plus ou moins malgré lui attaché à ce vieux juge fantasque. Hardin voudrait bien reprendre son vagabondage insouciant, mais sa rencontre avec des fermiers qui se battent contre les éleveurs (soutenus par le juge), va lui redonner un petit peu de sens moral.


Le cavalier du désert est un grand petit western, servi par une excellente distribution, un humour toujours présent, un certain sens du spectaculaire, et une réalisation qui paraît assez moderne. Le film vaut avant tout par le personnage du juge Roy Bean, faux juge ayant réellement existé, qui tient séance dans son saloon, fait prêter serment sur une bible et un revolver, compose un jury qui part jouer au poker dans l’arrière salle au lieu de discuter du prévenu, et donne des amendes à ceux qui ne consomment pas d’alcool. Le juge Roy Bean est joué avec une sensibilité touchante par Walter Brennan (le petit vieux dans Rio Bravo), qui navigue parfaitement entre hypocrisie ridicule, violence envers les fermiers et naïveté émouvante dans son improbable dévotion pour l’actrice de théâtre Lily Langtry (elle aussi, ayant réellement existé). Impossible de complètement détester ce bon vieux juge quand il renvoie un pauvre ahuri qui a eu l’occasion de rencontrer Lily Langtry un beau jour de sa vie et qui n’y a pas prêté attention. Impossible de vraiment l’aimer non plus quand il fait pendre un fermier coupable d’avoir abattu une vache. Roy Bean est ambigu, et cela sert le film. Cole Hardin, joué par Gary Cooper, est un peu plus droit dans ses bottes, c’est lui le héros. Pourtant, ses motivations sont troubles, il est un vagabond à cheval (riding bum), et tout ce qui l’intéresse de prime abord, est de sauver sa peau. Plus tard, il refuse de l’aide aux fermiers qui manquent cruellement de bras, et quand le juge risque de se faire tuer, Hardin tente de jouer les médiateurs. Hardin ne sait pas choisir son camp, et la duplicité avec laquelle il se joue de l’amour de la jolie fermière pour lui obtenir une mèche de cheveux (afin de faire croire au juge qu’elle appartient à Lily Langtry) en fait un personnage au capital sympathie pas si positif que ça. Il faudra un bel incendie de maïs, commandité par le juge Roy Bean, pour que Hardin retrouve le sens de la justice hollywoodienne tel qu’on l’attend d’un héros à la Gary Cooper.
On tangue ainsi entre plusieurs personnalités, tout comme le film hésite entre la comédie et le tragique, entre la farce et le pathétique flamboyant. Le jugement de Cole Hardin, bien que tendu, est très drôle à partir du moment où l’on comprend comment Hardin va ruser pour s’en sortir. Les scènes de comédie pure (le réveil dans le taudis du juge, la mèche de cheveux « volée » à la fermière, la délicatesse exagérée avec laquelle le juge récupère cette mèche) contraste avec une violence assez crue (la pendaison initiale) et l’incendie spectaculaire du maïs et des maisons des fermiers. Cette séquence magnifiquement photographiée, assez proche des films catastrophes de l’époque (par exemple San Francisco) permet d’asseoir définitivement le coté sérieux du film de Wyler, il donne l’occasion au spectateur de trancher, en même temps que Hardin, le dernier petit cordon de sympathie qui le relie encore au juge Roy Bean. Et pourtant, pourtant, lors de l’ultime scène dans le théâtre, Walter Brennan parvient à nouveau à émouvoir à la fois le spectateur et Cole Hardin, interprétant ainsi un rôle extrêmement riche, très loin des archétypes manichéens que les sots reprochent toujours au westerns de l’âge d’or. C’est à la fin du film que l’on découvre que la véritable star du film est bien Walter Brennan, qui gagna d’ailleurs l’Oscar du meilleur second rôle, quand on aurait dû lui attribuer celui de meilleur premier rôle.
Quand aux fermiers, ils représentent ici le progrès sur l’élevage, ils sont l’avancement de la civilisation. Leur marche forcée hors de leurs terres et certains plans contemplatifs sur les champs de maïs ne sont pas sans rappeler le lyrisme « révolutionnaire » des Raisins de la colère. Même si vous vous débarrassez de nous, d’autres viendront encore et encore, dit en substance la fermière (Doris Davenport) au juge Roy Bean. La photographie particulière des plans concernant les fermiers est signée Gregg Toland, qui travailla d’ailleurs la même année sur Les Raisins de la Colère. Comme quoi…Tout ceci donne un film riche et assez curieux, mais pas ennuyeux une seconde. Un bon petit fleuron du western classique, mais pas si classique que ça ! A voir à l'occasion!

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