dimanche 17 juin 2007

Deux ou trois trucs sur La Horde Sauvage


The Wild Bunch
1969
Sam Peckinpah
Avec : William Holden, Ernest Borgnine, Robert Ryan, Warren Oates, Edmond O’Brien, Jamie Sanchez, Ben Johnson

Un petit résumé :
C’est le crépuscule de l’Ouest mythique et les bandits mythiques se font chaudement recevoir quand ils veulent attaquer une banque. Partis se réfugier au Mexique, les ex-bandits mythiques comprennent que la fin est venue, et tant qu’à en finir, autant massacrer le petit dictateur local et son armée avec soi….

Un peu d’histoire.
La scène inaugurale de La Horde sauvage s’inspire de la désastreuse double attaque des deux banques de Coffeyville en 1892 par les Dalton, qui se solda par la mort d’un certain nombre d’habitants, du shérif, et par l’anéantissement du gang Dalton à l’exception d’Emmet, qui survécut malgré un nombre impressionnant de blessures par balles. Un autre membre du gang, Bob Doolin, dut également sa survie au fait d’avoir été absent ce jour là pour cause de cheval boiteux. Bob Doolin ne tarda pas à former son propre gang, qui se fit connaître sous le nom Doolin’s gang, ou encore The Oklahombres, ou encore et surtout : The Wild Bunch, la Horde Sauvage… La Horde Sauvage opéra de 1893 à 1895 et commis de nombreuses attaques de banques et de trains. Le gang connut un épisode « peckinpien » à Ingalls, petite bourgade de l’Oklahoma qui fut le théâtre d’une incroyable fusillade opposant les hommes de Doolin face aux forces de l’ordre, avec balles sifflant de tous bords, outlaws tentant de s’échapper sous le feu ennemi en occasionnant de fortes pertes parmi les policiers. Il est difficile de savoir si les membres de la horde sauvage avaient une quelconque conscience d’être parmi les derniers de leur genre à vivre de la sorte, dans un monde en totale mutation, mais, après tout, il n’est pas interdit d’avoir un regard légèrement romantique sur leur destinée somme toute médiocre. Lorsque Doolin fut enfin tué, les armes à la main, en 1896, il n’avait pas moins de trente impacts de balles dans le corps.


Le mythe du surhomme
Il y a, en bas de l’échelle, les petits notables qui se font descendre bêtement dans la fusillade. Eux, ce sont les hommes normaux, pas héroïques pour un sou, on pourrait même dire lâches. Ils peuplent le western et ne font en général que de la figuration. Un bon cran au dessus, il y a les chasseurs de primes. Ils ont la connaissance des armes qu’ils fétichisent à outrance – voir celui qui embrasse le canon de son fusil - ils tirent justes et ils savent vivre à la dure en pleine nature, mais ils sont stupides et surestiment leur force. Cela les conduira à leur perte. Car ils sont dominés par les surhommes. Ce sont Pike et Sykes, Thorton et le reste du gang. D’apparence ils ressemblent aux chasseurs de prime, ils ont les armes, ils vivent sur la piste, mais ils ont en plus la sagesse, la prudence, la ruse et la détermination, qui font que même blessés, il ne vaut mieux pas espérer qu’ils crèvent à petit feu dans la nature. Et tout en haut de l’échelle, il y a les peons indiens des montagnes, le peuple de Angel. Ils vivent dans la montagne qu’ils connaissent comme leur poche et parviennent à surprendre même Pike et ses hommes. On ne les voit pas, on ne les entend pas, il vivent dans des conditions extrêmes qui font d’eux des combattants hors pairs, tels des fremens du Mexique. Il est alors amusant de constater que les plus forts sont curieusement les plus pauvres, les plus faibles sont ceux qui vivent dans le confort. L’aisance et l’argent affaiblissent l’homme.

Let’s go
C’est la phrase clé du film. William Holden la répète plusieurs fois au cours du film, sans que l’on sache trop ni pourquoi il faut y aller, ni où il faut aller. Quand il la répète une dernière fois, Warren Oates répond « Why Not… », comme pour sceller enfin cette fuite en avant, comme pour dire : « D’accord, cette fois on y va vraiment » !


Le fantasme de la mitrailleuse
La mitrailleuse, c’est quand même le pied. Franco Nero dans Django s’en sert avec une certaine énergie, non dénuée de plaisir coupable, et le western spaghetti manquera rarement une occasion de montrer l’effet dévastateur d’une mitrailleuse, les balles qui crépitent, les morts qui s’accumulent et le sourire en général crispé et déterminé du mitrailleur. Même Sergio Leone n’y coupera pas dans Il était une fois la Révolution.
Plus tard, dans les années 80, la mitrailleuse se fait plus sérieuse, moins ludique. Rambo et Terminator la portent à bout de bras, la puissance dévastatrice de l’engin est intériorisée, on n’est pas là pour rigoler. Enfin, Spielberg montrera un autre visage de la mitrailleuse dans la scène d’ouverture de son Saving Private Ryan. Hé oui, quand on est sous les balles, c’est déjà beaucoup moins drôle.
Mais aucune scène de mitrailleuse n’atteint l’horreur, ni l’exaltation mythique du massacre final de la Horde Sauvage ! Quand Ben Jonhson tire dans le tas, on atteint déjà la quintessence de tout mitraillage qui se respecte, les morts pleuvent et ça fait piouuuw partout, on en a déjà assez eu pour son argent. Et puis arrive Warren Oates. Warren Oates déjà, il a un certaine élégance tout au long du film, mais là, mitrailleuse en pogne, il bat tout le monde, il est littéralement au paradis, dans la mesure où plus il se prend des balles dans le buffet, plus il mitraille et plus il est en extase. Voilà un homme qui se réalise au moment de sa mort, et qui se réalise dans un massacre. Il ne faut sans doute pas chercher une morale dans tout ça. William Holden prend la suite et massacre à son tour un bon paquet de soldats, surtout qu’il a la bonne idée de tirer dans la dynamite qui sèche au soleil. Mais Holden tient moins longtemps que Oates, et à ce stade, le spectateur commence à se demander s’il n’en a pas un peu trop pour son argent, on dépasse un peu la scène de mitrailleuse classique où le héros s’en tire à bon compte. Holden, perforé de partout s’écroule, Ernest Borgnine, tout aussi dégoulinant de sang que Holden, n’aura pas le temps de toucher au fantastique engin de mort, au fantasme meurtrier des hommes violents. C’est un beau jour pour mourir auraient dit les indiens.

Pas de horde sauvage dans la Horde Sauvage
Bien qu’ayant découvert ce film relativement jeune, je l’ai tout de même vu bien après Mon Nom est Personne, ce qui, en plus d’un certain haut le cœur soulevé par un trop plein de violence, provoque une cruelle déception à celui qui aurait cru bêtement que La Horde Sauvage allait raconter l’histoire des 150 « fils de pute » déchaînés que l’on voit dans le film de Tonino Valerii. Ben non, même si les quatre protagonistes finaux tuent à peu près autant de monde que 150 types ensembles, la horde du film de Peckinpah est assez réduite question nombre. On peut toujours se consoler en imaginant que Sykes et Thorton partent ensembles pour créer la vraie Horde, qui comptera plus tard 150 cavaliers. Mouaif…

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