samedi 13 janvier 2007

Adios California


Réalisateur : Michele Lupo
Acteurs : Giuliano Gemma, Raymund Harmstorf, Miguel Bose, Paola Bose
Durée : 97 minutes
Année de sortie: 1977

A la fin de la guerre de Sécession, deux soldats sudistes, Willie et California se lient d’amitié et taillent la route ensembles. Tout le pays n’est que désolation, et la vie est dure pour les vaincus : faim, brimades, vagabondage… Pour ne rien arranger, les généraux nordistes payent des chasseurs de prime pour éliminer les anciens soldats sudistes qui ont commis des crimes, prétexte habile pour faire un peu de ménage dans l’armée en déroute. Lorsque Willie se fait tuer, California décide de retourner chez les parents de Willie pour leur remettre la médaille d’honneur gagnée par Willie pendant la guerre. Ici, il trouvera un bref moment de bonheur en compagnie d'Hélène, la sœur de son ami, qui lui permettra d’oublier la guerre, ainsi qu’un passé que l’on devine tumultueux (« Me battre, je n’ai fais que ça depuis que je suis né »). Mais la trêve est de courte durée, car les chasseurs de prime rodent toujours.

Le début du générique indique clairement que l’on a affaire à un Western Spaghetti de haute volée : un roulement de canonnade, sans musique, précise immédiatement le contexte de l’histoire, puis le thème musical s’envole, flamboyant, avant de laisser place à une introduction d’au moins dix minutes sous une pluie ininterrompue. Les conditions météo ne s’arrangeront guère par la suite : boue, froid, brouillard. Le beau temps ne revient que lorsque California décide de reprendre les choses en main. California est joué par Giuliano Gemma, qui tient là un de ses meilleurs rôles, loin de la candeur athlétique de Un pistolet pour Ringo ou Arizona Colt. Gemma a pris dix ans depuis ses débuts dans le western italien, les marques sur son visage et ses joues creuses ajoutent une profondeur à son personnage d’anti-héros, au passé trouble, sachant se battre, mais au moral de perdant pendant au moins les deux tiers du film. Son jeu rappelle Le Retour de Ringo en beaucoup plus convaincant. Raymund Harmstorf qui joue le chef des chasseurs de prime est également très bon, dans un rôle à la Tcheky Karyo, sans cruauté excessive, tout en subtilité dans sa redingote qui lui donne un air indestructible. Les panoplies vestimentaires sont à l’honneur ici : cache poussières détrempés, uniformes boueux, dépareillés et suintants des vagabonds sudistes, manteaux de fourrures des chasseurs de primes, capotes délavées et bagages en haillons. Les Etats-Unis d’après guerre sont décrits de la même façon, un pays de villes fantômes dévastées que personne ne semble vouloir prendre la peine de reconstruire. Le film bénéficie d’importants moyens, et le résultat est visuellement très réussi. La violence ne donne nullement dans la répétition gratuite en ce qui concerne le nombre de morts, mais les combats aux poings nus sont brutaux et très réalistes. La mort de Willie est un grand moment de surenchère baroque, boursouflée de ralentis surjoués, un vrai régal pour les amateurs d’exagération à l’italienne.

Le scénario tient ses promesses et évite les clichés du genre, même si l’association de California avec le chasseur de prime dans la dernière partie se fait trop rapidement pour être crédible. Cette dernière partie est un peu décevante par rapport aux fulgurantes images du début, on se retrouve soudain en terrain un peu plus balisé. Heureusement la toute dernière séquence, sauvage et brutale redonne tout son tonus au film, avec en prime une fin heureuse qui s’offre le luxe d’avoir un arrière goût amer et désenchanté. Sombre, mélancolique, crépusculaire et morbide, Adios California offre une vision de cauchemar des Etats-Unis d’après-guerre, tout en offrant un spectacle bien équilibré et distrayant. Que demander de plus, sinon une édition DVD plus soignée ? Ne jetons pas la pierre à l’éditeur, qui nous permet ici de redécouvrir en zone 2 et en VF un excellent fleuron du genre, et qui renverse la légende selon laquelle Keoma était le dernier grand western italien.

Quelques mots sur le DVD:

La qualité de l’image n’est pas tip top. Les couleurs manquent franchement de tonus, mais cela ne dessert nullement l’ambiance froide et sinistre du film. On est loin du résultat obtenu par un éditeur comme Seven 7. Ce n’est pas trop gênant quand on a affaire à des films comme T'as le bonjour de Trinita ou Gringo Joue sur le Rouge, mais c’est beaucoup plus dommage pour un western italien de qualité supérieure comme Adios California.

Comme pour tous les DVD Evidis, le film démarre sans menu préliminaire. Au moins peut-on naviguer d’une scène à l’autre avec la zappette, mais ce manque d’interactivité et de suppléments est presque une insulte pour un film qui mérite largement d’être redécouvert. Heureusement que des films comme Le Grand Silence ou El Chuncho n’ont pas été édités par Evidis, il y aurait eu carrément de quoi se mettre en colère.

Un mot sur la musique de Gianni Ferrio qui s’éloigne totalement des clichés Morriconiens en vigueur. Ici on s’approche plus de Pink Floyd, de Lalo Schifrin ou de Eberhard Schoener. La plupart du temps, cela convient parfaitement au ton mélancolique du film, même si parfois cela crée un décalage assez malvenu. Une bonne surprise au final, avec un thème récurrent suffisamment accrocheur pour rester en mémoire.

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